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Une nouvelle technique pour les empreintes digitales

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Reconnaissons-le : la vulgarisation scientifique en général et ce blog en particulier ne s'intéressent qu'assez peu aux avancées dans le domaine de la chimie (qui souffre, comme me l'a un jour expliqué un chimiste, de sa complexité mais aussi de devoir porter le même nom que l'industrie à laquelle elle a donné naissance). C'est évidemment un tort car il y a, dans le travail des molécules et de la matière une ingéniosité et des ressources fascinantes. Ainsi en va-t-il d'une étude sud-coréenne publiée le 29 avril par Nature Communications.

Ses auteurs ont mis au point un polymère aux étonnantes propriétés hydrochromiques. Pour le dire plus simplement, il s'agit d'un film plastique transparent dont les parties exposées à l'eau prennent presque instantanément (en environ 20 millionièmes de seconde) une vive coloration rouge. Cela pourrait donner un nouveau détecteur d'humidité mais les chercheurs des universités sud-coréens ont songé à un autre domaine d'application, la police scientifique et plus particulièrement le travail sur les empreintes digitales.

Même si nous sommes abreuvés de quantité de séries télévisées sur le sujet, il n'est pas inutile de rappeler sur quels principes s'appuie cette discipline. Si nous laissons une empreinte digitale en touchant un objet, c'est parce que les pores de la peau sécrètent de la sueur, laquelle contient des acides gras, des acides aminés et des sels minéraux. C'est cette trace que la police scientifique tente, grâce à différentes techniques, de mettre en évidence sur les scènes de vol ou de crime. Elle se présente sous la forme de lignes dessinées par les crêtes de la peau. Les techniques de biométrie cherchent à reconnaître ce qu'on appelle les "minuties", c'est-à-dire les points d'intersection, de bifurcation ou d'arrêt de ces lignes gravées dans l'épiderme. Le dessin des empreintes papillaires étant unique à chacun, une douzaine de ces points particuliers suffit en théorie à identifier quelqu'un sans risquer de le confondre avec une autre personne.

Toute la difficulté de l'approche réside dans le fait qu'on n'a souvent pas assez de points particuliers pour utiliser l'empreinte, ou bien que le matériau touché est trop poreux pour avoir gardé autre chose que l'implantation des pores de la peau. C'est cette faiblesse qu'ont voulu combler les auteurs de l'étude de Nature Communications en se demandant si, au lieu de reconstituer le dessin des lignes papillaires, on ne pourrait pas se contenter de cartographier les pores qui sont à l'origine des empreintes digitales. Pour cela, il fallait que leur polymère soit assez sensible pour détecter les minuscules gouttelettes d'eau (de l'ordre du millionième de millilitre) émises par les pores.

Lors des tests qu'ils ont effectués, les chercheurs ont eu la surprise de voir que leur film était sensible à ces infimes quantités de transpiration. En comparant les images obtenues avec des agrandissements photographiques de doigts, ils ont également constaté que certains pores produisaient systématiquement de la sueur, que d'autres étaient moins réguliers et qu'une troisième catégorie était inactive. Ce qui pourrait constituer un indice supplémentaire dans la caractérisation des empreintes digitales !

Selon ces scientifiques sud-coréens, la stratégie ciblant les pores plutôt que les lignes papillaires ne vise pas à remplacer mais à compléter les techniques actuelles. Entre 20 et 40 emplacements de pores suffisent à différencier une personne d'une autre. Cela peut sembler beaucoup mais, étant donné la densité des pores à la surface de la peau, un petit échantillon d'empreinte, de quelques millimètres carrés peut suffire, alors que, écrivent ces chercheurs, les méthodes conventionnelles "exigent de grandes portions d'empreintes pour une analyse fiable". Voilà : partis d'un polymère et d'un article de chimie, nous sommes arrivés dans les recoins de la police scientifique. Un cheminement que Sherlock Holmes aurait adoré.

Source : http://www.lemonde.fr