Europe moratoire sur la reconnaissance faciale
L’autorité européenne de protection des données demande un moratoire sur la reconnaissance faciale
Les technologies de reconnaissance automatique doivent être temporairement interdites dans les lieux publics, affirme le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD). L’organe, qui surveille l’application des règles en la matière au sein de l’UE, plaide pour un moratoire.
Les applications à bannir pour une durée limitée incluent non seulement les technologies de reconnaissance faciale, mais aussi les logiciels qui analysent « la démarche, les empreintes digitales, l’ADN, la voix, la frappe sur le clavier et d’autres données biométriques ou comportementales », a indiqué Wojciech Wiewiórowski, le contrôleur en chef de l’autorité indépendante, mardi 30 juin.
Il explique vouloir tenter de « convaincre la Commission qu’un moratoire pourrait s’avérer utile dans de nombreuses situations où les technologies n’ont pas encore été suffisamment développées ou examinées pour être utilisées dans des espaces publics ».
Wojciech Wiewiórowski ajoute dans un avertissement voilé que le CEPD, qui veille au respect de la protection des données au niveau de l’UE, « observera de très près la manière dont les institutions de l’Union européenne se servent de ces technologies ».
Selon des informations recueillies par The Guardian, le Parlement européen aurait cherché à utiliser la reconnaissance faciale « dans le cadre de la sécurité biométrique et des services aux eurodéputés ». Il semblerait toutefois que le Parlement ait depuis abandonné cette idée.
Wojciech Wiewiórowski explique que plusieurs mauvaises expériences personnelles l’ont poussé à adopter cette position concernant l’identification biométrique dans les lieux publics.
« Par deux fois au moins, […] j’ai appris que j’avais été traqué de la sorte. J’ai considéré cela comme une atteinte grave à ma vie privée, voire mon intimité », affirme-t-il.
« Cela m’a montré que les situations où je suis observé et analysé automatiquement dans l’espace public portent gravement atteinte à [ma] dignité ».
La mise en garde du chef du CEPD intervient alors que la Commission examine les résultats de la consultation publique sur son livre blanc sur l’intelligence artificielle (IA).
La vice-présidente de l’exécutif chargée des questions numériques, Margrethe Vestager, s’est exprimée sur les inquiétudes des citoyens lors d’un événement en ligne organisé mardi.
Elle a souligné qu’une partie des 1200 participants à la consultation publique craignait que la mauvaise utilisation de l’IA ne nuise aux droits des citoyens. « La majorité de ces contributeurs s’accorde à dire que l’IA, si elle n’est pas correctement encadrée, pourrait compromettre nos droits fondamentaux ou notre sécurité », déclare-t-elle.
Avant que le livre blanc sur l’IA ne soit publié en février, un document interne avait révélé que la Commission envisageait d’introduire un moratoire temporaire sur la reconnaissance faciale au sein de l’UE.
Mais cette interdiction potentielle a ensuite été rejetée, malgré l’inquiétude qui règne depuis longtemps sur le déploiement des technologies de reconnaissance faciale en Europe.
En janvier de cette année, le comité européen de la protection des données — qui regroupe les autorités de contrôle des États membres et le CEPD — a publié des recommandations sur l’utilisation de la reconnaissance faciale, par crainte que les applications futures de ce type de technologie n’enfreignent le règlement général sur la protection des données (RGPD).
« L’utilisation de données biométriques, en particulier la reconnaissance faciale, comporte des risques élevés pour les droits [sur le traitement] des données des individus », signale le document.
« Il est impératif que ces technologies soient utilisées dans le respect des principes de légalité, de nécessité, de proportionnalité et de minimisation des données, comme le stipule le RGPD ».
Source : https://www.euractiv.fr