Biometrie multimodale
Extrait de l'éditorial -Numéro spécial ANN. TÉLÉCOMMUN., 62, n° 1-2, 2007
Des applications commerciales ont ainsi vu le jour, basées le plus souvent sur les modalités d’empreintes digitales ou d’iris qui sont pour l’instant réputées les plus fiables en contrepartie de leur caractère intrusif, souvent mal perçu par les utilisateurs. Ceci explique en partie pourquoi leur usage reste limité pour l’instant à des applications professionnelles (contrôle d’accès de personnel d’aéroport par exemple) et que l’usage grand public est encore quasiment inexistant, malgré l’existence de produits commerciaux.
Il est certain que des modalités comme le visage, la voix, la signature manuscrite sont des modalités plus familières mais la performance associée reste encore trop faible pour pouvoir envisager leur utilisation à grande échelle. Dans ce cadre, le couplage de plusieurs modalités paraît une voie prometteuse qui reste à valider.
L’objectif de ce numéro spécial est de présenter des articles de recherche originaux, représentatifs de divers aspects du domaine biométrique. Ils couvrent un large spectre depuis des problématiques techniques jusqu’à d’autres plus spécifiquement centrées sur l’utilisateur. La plupart des articles ont été écrits par des chercheurs de centres impliqués dans le Réseau d’Excellence BioSecure dont l’objectif est de fédérer la recherche européenne dans le domaine biométrique et de fournir des cadres d’évaluation pour la comparaison des différents algorithmes.
En particulier les deuxième et troisième articles (qui traitent respectivement des modalités signature et empreintes digitales) correspondent à des travaux d’intégration menés par différents laboratoires du réseau Biosecure qui travaillent sur ces modalités. Plus précisément, un groupe de travail résidentiel organisé par Biosecure en Août 2005 a permis d’évaluer de nouveaux modèles dans les différentes modalités en comparaison à des systèmes de référence existants et en suivant des protocoles établis. Les deux articles sus-mentionnés transcrivent les résultats obtenus durant ce workshop dans les groupes de travail signature et empreintes digitales. L’intérêt de la fusion de scores pour améliorer les performances par rapport à l’utilisation d’un seul système est soulignée dans les deux articles. Dans le même esprit, la fusion de différentes modalités liées à la main est abordée dans le sixième article tandis que le cinquième article traite de manière plus théorique la question de la fusion de scores. Deux articles plus spécifiquement dédiés aux déploiements de la biométrie terminent ce numéro spécial.
Le premier article intitulé Un panorama de l’identification biométrique des personnes, par Arun Ross et Anil K. Jain est un article introductif qui présente un panorama de la biométrie et expose la terminologie pertinente, nécessaire à la compréhension de cette technologie. L’importance de la fusion d’information dans le contexte biométrique est aussi soulignée. Cet article met aussi l’accent sur le fait que les systèmes multi-biométriques joueront un rôle significatif pour le management de l’identité au 21 ème siècle.
Le deuxième article : Systèmes de référence de Biosecure pour la vérification de signature en ligne : une étude de la complémentarité, par Sonia Garcia-Salicetti, Julian Fierrez-Aguilar, Fernando Alonso-Fernandez, Claus Vielhauer, Richard Guest, Lorene Allano, Tung Doan Trung, Tobias Scheidat, Bao Ly Van, Jana Dittmann, Bernadette Dorizzi, Javier Ortega- Garcia, Joaquin Gonzalez-Rodriguez, Martino Bacile di Castiglione et Michael Fairhurst, présente une étude de recherche intégrée dans la vérification de signature en-ligne entreprise par différentes équipes membres du réseau d’Excellence BioSecure. Ce travail commun, débuté durant le premier « Workshop » résidentiel, a pour principal objectif le développement d’une plateforme d’évaluation des algorithmes pour la vérification de la signature en ligne. Tout d’abord, quatre systèmes de vérification de signature en ligne basés sur différentes approches sont évalués et comparés en utilisant le même protocole expérimental sur la base de signatures MCYT, la plus grande base existante de signatures en ligne disponible, avec 16500 signatures de 330 personnes. Ensuite, l’accent est mis sur la fusion multialgorithmique afin d’étudier la complémentarité des approches impliquées.
Le troisième article Combinaison de plusieurs classifieurs pour la vérification d’empreintes digitales : une étude de cas dans le cadre du réseau d’excellence Biosecure by Fernando Alonso-Fernandez, Julian Fierrez- Aguilar, Hartwig Fronthaler, Klaus Kollreider, Javier Ortega-Garcia, Joaquin Gonzalez-Rodriguez et Josef Bigun, s’interesse aux empreintes digitales. Il relate les expériences menées sur la modalité empreinte digitale pendant le premier atelier résidentiel de BioSecure. Deux systèmes de référence pour la vérification d’empreintes digitales ont été examinés ainsi que deux systèmes additionnels. Ces systèmes sont basés sur différentes approches pour le traitement de l’empreinte digitale et sont exposés en détail. En outre, sont présentées des expériences de fusion comportant différentes combinaisons des systèmes disponibles.
Le quatrième article Localisation robuste de points caractéristiques sur des images faciales, par Albert Ali Salah, Hatice Çinar, Lale Akarun et Bülent Sankur, traite de la reconnaissance faciale. Trouver des points d’ancrage est une étape importante pour l’enregistrement, la normalisation et pour la reconnaissance des visages 2D et 3D. Dans cet article, les auteurs proposent une méthode pour trouver automatiquement les points d’ancrage sur des visages de face, analysés à échelles différentes. La nouvelle méthode pour extraire les caractéristiques faciales emploie divers outils à deux échelles : l’une grossière et l’autre fine. La première analyse a lieu dans un espace de représentation grossier et utilise la sortie des filtres Gabor. Elle est suivie par une analyse à une échelle plus fine, laquelle utilise les attributs de la transformée en cosinus discret. En outre, un soussystème d’analyse structurelle sert à déterminer les points de repères aberrants et à corriger leurs positions avec rétroprojection.
Le cinquième article Sur l’usage de l’information statistique client/imposteur pour la fusion de qualifications en biométrie multimodale par Pascual Ejarque, Ainara Garde, Jan Anguita et Javier Hernando, traite de la multimodalité au niveau de la fusion de scores. Ces techniques utilisent généralement des statistiques globales pour les étapes de normalisation et de fusion. Dans le présent article, de nouvelles méthodes de normalisation et de fusion avec pondération sont présentées pour profiter des statistiques séparées des scores monomodaux de manière à réduire la superposition des fonctions de distributions client et imposteur et pour améliorer le taux de vérification.
Plusieurs modalités usuelles sont reliées à la main. Le sixième article intitulé Un système multimodal basé sur la main accompagné d’un module de détection du caractère vivant, par Nikola Pave?sic´, Tadej Savi?c, Slobodan Ribaric´ et Ivan Fratric´, présente un système de vérification biométrique multimodal basé sur les caractéristiques suivantes de la main : empreinte palmaire, quatre empreintes de doigts et quatre empreintes digitales. Les caractéristiques sont obtenues grâce à une approche de type Karhunen- Loeve et une fusion d’information au niveau des scores a été appliquée. Pour améliorer la résistance du système aux attaques, un détecteur du caractère vivant de la main a été ajouté, basé sur les images thermiques du dos de la main.
La vérification d’identité biométrique est déjà une réalité. Cela dit, cette technique relativement nouvelle requiert encore un grand nombre d’études centrées sur la personne avant d’être largement déployée. Le septième article : Au delà des objectifs d’évaluation de performance dans les systèmes biométriques multimodaux par Doroteo T. Toledano, Álvaro Hernández Trapote, David Díaz Pardo de Vera, Rubén Fernández Pozo et Luis Hernández Gómez, présente une étude centrée sur l’utilisateur d’un système multimodal d’authentification pour l’accès sécurisé à l’Internet, où les utilisateurs peuvent choisir librement parmi trois modalités biométriques différentes (l’empreinte digitale, la voix et la signature) pour s’inscrire, vérifier leurs identités et agir en tant qu’imposteurs, d’une manière non supervisée mais avec l’aide d’un agent conversationnel animé.
Des informations objectives et subjectives ont été recueillies afin d’analyser les relations entre les performances d’authentification, l’ergonomie et les préconçus et impressions de l’utilisateur. L’évolution des choix d’utilisation d’une modalité plutôt qu’une autre au cours du temps, a été aussi analysée.
Le déploiement à grande échelle de systèmes biométriques pour des services web doit aborder des problèmes technologiques reliés à la sécurité, l’interopérabilité et la précision, et des problèmes sociétaux reliés avec la protection de la vie privée et l’acceptation par l’utilisateur du procédé d’acquisition. La variété des modalités biométriques, des dispositifs d’acquisition, des populations cibles, et des scénarios de travail complique l’obtention d’une solution susceptible de permettre une mise en oeuvre universelle.
Le dernier article de ce numéro, Un cadre ouvert pour l’authentification distribuée biométrique de personnes dans un environnement Web par Enrique Otero-Muras, Elisardo González-Agulla, José L. Alba-Castro, Carmen García-Mateo, Oscar W. Márquez-Flórez, décrit la conception, la mise en oeuvre et l’applicabilité d’un cadre ouvert pour l’authentification biométrique distribuée orientée vers le contrôle d’accès dans un environnement web. Le principe ouvert de cette structure en fait un outil de développement pratique et nouveau pour le test et l’intégration d’algorithmes et dispositifs biométriques. Une attention particulière a été prêtée aux standards de sécurité et d’interopérativité pour faciliter l’intégration concourante et le test de systèmes biométriques développés par différents laboratoires ou compagnies. Finalement, pour démontrer la versatilité et l’applicabilité de ce cadre, un outil web distribué d’acquisition de données biométriques réalisé dans ce cadre ouvert est présenté.
En tant que coordonnateurs, c’est avec plaisir que nous avons préparé ce numéro spécial et que nous avons introduit les différentes contributions qui toutes traitent d’un domaine particulier lié à la biométrie multimodale.
De cette façon, nous avons essayé de souligner les problèmes à l’étude dans ce domaine. Nous espérons avoir atteint notre but en offrant au lecteur un large panorama sur ces questions par le biais de contributions de haute qualité. Le mérite en revient grandement aux auteurs qui ont répondu favorablement à notre invitation à contribuer à ce numéro en envoyant des articles de grande qualité. Nous sommes également reconnaissants aux experts internationaux qui ont accepté de relire attentivement les soumissions et qui ont permis d’améliorer la qualité de ce numéro spécial consacré à la biométrie multimodale.
Bernadette DORIZZI
GET/INT
9 rue Charles Fourier 91011 Evry, France
Carmen GARCIA-MATEO
E.T.S.I. de Telecomunicación
Campus Universitario 36310 Vigo, Spain
ANN. TÉLÉCOMMUN., 62, n° 1-2, 2007