Reconnaissance faciale en France
La reconnaissance faciale s'immisce peu à peu dans nos vies, faisant craindre aux défenseurs de la vie privée de futures dérives, entre surveillance généralisée et autoritarisme. Technopolice propose un bilan de la situation en France.
Technopolice, qui présente un manifeste pour "résister à la surveillance totale de nos villes et de nos vies" signé par des organismes tels que la Ligue des droits de l'Homme, La Quadrature du Net, Framasoft, Attac ou encore le Syndicat des avocats de France, vient de publier un état des lieux de la reconnaissance faciale dans notre pays en 2021. L'idée étant de voir si, comme on l'entend souvent, la reconnaissance faciale n'est pas encore vraiment déployée en France, bien que le secrétaire d'État au numérique juge son installation nécessaire. Estimant qu'il n'y a pas de place à une reconnaissance faciale éthique et qualifiant la surveillance biométrique de masse d'outils de contrôle autoritaire dans l'espace public, Technopolice s'est évertué à lister où et quand la reconnaissance faciale est mise en place.
Des contrôles biométriques de plus en plus fréquents
Premier domaine dans lequel la reconnaissance faciale est de plus en plus utilisée : les contrôles de police. En effet, depuis 2012, le fichier de traitement des antécédents judiciaires, ou TAJ, est devenu le principal fichier utilisé pour la reconnaissance faciale, sachant qu'il compte plus de 19 millions de fiches et 8 millions de portraits photographiques. Si, au départ, son usage devait se limiter aux enquêtes pour des crimes et délits ayant entraîné la mort ou des blessures graves, ainsi que pour rechercher des personnes disparues, dans les faits, le fichier TAJ serait de plus en plus utilisé dans le cadre de contrôles d'identité. Si, officiellement, les tablettes des policiers ne permettent pas d'interroger directement la base de données avec la photo d'une personne contrôlée, il n'est pas impossible que les demandes soient traitées par le service central de la police, s'interroge Technopolice.
Autre domaine où, par nature, la reconnaissance faciale se développe rapidement : les contrôles aux frontières et dans les aéroports. Technopolice pointe le savoir-faire de l'entreprise française Idemia, dont la technologie de reconnaissance faciale a été vendue à la Chine et aidera à la gestion de foule pour les Jeux olympiques de 2024. Idémia dont les technologies sont à l'œuvre dans le cadre de PARAFE et MONA, les systèmes de contrôle automatisés des passeports et papiers d'identité, avec reconnaissance faciale, dans certains aéroports. Idemia qui, enfin, déploiera les systèmes de contrôle centralisé de l'Union européenne, comme le prévoit la directive Entry/Exit System (EES). Un dispositif qui prévoit la création d'un fichier contenant les données biométriques (empreintes et photographies) de tous les visiteurs venant de l'extérieur de l'Union et entrant dans l'espace Schengen.
Phénomène d'accoutumance
Rappelant l'existence du projet Alicem, dont personne ne semble plus parler, Technopolice estime qu'il est important de rester vigilant quant à l'utilisation qui pourrait être faite de la reconnaissance faciale pour prouver son identité numérique sur Internet, d'autant que la reconnaissance faciale pourrait s'inviter dans les débats entourant la future carte d'identité numérique.
Enfin, plus globalement, Technopolice rappelle — comme l'a déjà fait la Cnil — qu'il existe un véritable risque d'accoutumance de la population aux dispositifs de contrôle automatique de l'identité et à la surveillance généralisée par caméras couplées à des dispositifs de reconnaissance faciale. De plus, aux initiatives locales ou temporaires, s'ajoute une présence de plus en plus forte des usages privés (comme le déverrouillage du téléphone avec son visage), tandis que la fluidité et la rapidité des contrôles avec l'amélioration constante des algorithmes essaient de faire passer cette technologie comme anodine.
Comme le rappelle Technopolice, la reconnaissance faciale ne dispose pas encore de cadre légal en France. Cela pourrait venir à l'approche de grands événements comme la Coupe du monde de Rugby ou les Jeux olympiques de Paris, alors que le fichier des titres électroniques sécurisés, ou TES, qui contient les photos de toutes les personnes disposant d'une pièce d'identité pourrait un jour servir à la reconnaissance faciale, son usage en tant que tel ayant été validé par le Conseil d'État.
Source : https://www.lesnumeriques.com