Reconnaissance faciale - Quels sont les dangers
La reconnaissance faciale est une technologie de plus en plus répandue, basée sur l’intelligence artificielle, permettant d’identifier une personne sur une photo ou une vidéo en comparant son visage avec ceux sauvegardés dans une base de données. Découvrez tout ce que vous devez savoir sur cette technologie, sur son fonctionnement et sur les dangers qu’elle représente pour la confidentialité…
En 1949, dans son ouvrage 1984, George Orwell imaginait une société contre-utopique au sein de laquelle les citoyens seraient surveillés en permanence par l’oeil de Big Brother. Si cette oeuvre de fiction a alimenté les cauchemars de nombreux lecteurs dans le monde, cela n’aura pas empêché le monde de converger vers un modèle similaire près de 36 après la date présagée par l’écrivain britannique.
À l’aube des années 2020, la technologie de reconnaissance faciale est en passe d’être adoptée à des fins de surveillance dans la plupart des pays développés. Afin de mieux comprendre le tournant majeur que représente cette innovation pour l’humanité, découvrez tout ce que vous devez savoir sur son utilité, son fonctionnement et ses dangers.
Reconnaissance faciale : qu’est-ce que c’est et comment ça marche ?
La reconnaissance faciale est une technologie combinant les techniques biométriques, l’intelligence artificielle, la cartographie 3D et le Deep Learning pour comparer et analyser le visage d’une personne afin de l’identifier. Elle doit son récent essor aux avancées effectuées dans les domaines du Big Data, des réseaux de neurones et des GPU.
Actuellement considérer comme l’une des trois technologies biométriques les plus performantes pour identifier un individu, la reconnaissance faciale est aussi la technologie biométrique qui connaît la plus forte croissance. Son marché pourrait atteindre une valeur de 7,7 milliards de dollars d’ici 2022.
Dans un premier temps, le visage d’un individu est localisé sur une photo ou une vidéo. Les caractéristiques de son visage sont ensuite converties en données, et ces données peuvent ensuite être comparées avec celles de visage entrées dans une base de données centralisée.
En règle générale, les logiciels de reconnaissance faciale actuels analysent environ 80 caractéristiques du visage que l’on appelle aussi points nodaux. Parmi ces caractéristiques, on compte la distance entre les yeux, la longueur du nez, la forme des joues, la profondeur des orbites, ou encore la largeur de la mâchoire.
Ces traits diffèrent sur chaque individu, et c’est pourquoi la reconnaissance faciale permet de reconnaître une personne avec précision. Les points ainsi collectés sont mesurés en créant un code numérique appelé faceprint, permettant de représenter le visage au sein d’une base de données. Les nouvelles technologies les plus récentes se basent sur la texture de la peau, propre à chaque individu, pour des résultats encore plus précis.
Pour être en mesure de détecter instantanément un visage, les systèmes de reconnaissance faciale sont basés sur l’intelligence artificielle. Grâce au Deep Learning, les algorithmes sont entraînés à reconnaître les visages humains à partir de nombreuses photos et vidéos. De nombreuses entreprises entraînent leurs réseaux de neurones sur les milliards de photos de visages stockées sur internet par Flickr, Instagram, Facebook ou encore Google.
Quelles sont les applications de la reconnaissance faciale ?
Cette technologie est de plus en plus utilisée à des fins de surveillance et de sécurité, notamment par les gouvernements et les autorités qui tendent à l’incorporer à des systèmes de vidéosurveillance. C’est le cas dans de nombreux pays du monde. La Chine est sans nul doute le principal exemple puisque le gouvernement cherche généraliser son usage.
Cependant, la reconnaissance faciale est aussi de plus en plus utilisée en France, au Royaume-Uni ou encore aux États-Unis. La ville de Nice expérimente par exemple la reconnaissance faciale à des fins de surveillance dans le cadre de son Carnaval, tandis que le gouvernement américain s’en sert dans les aéroports pour identifier les individus dont le visa est expiré.
Elle est également de plus en plus exploitée par des entreprises d’industries diverses telles que la santé, le marketing ou le tourisme. On la retrouve aussi sur de nombreux services et produits destinés au grand public.
Par exemple, depuis l’iPhone X de 2017, les smartphones d’Apple embarquent la technologie Face ID permettant aux utilisateurs de les débloquer en présentant leurs visages à la caméra frontale. Un scanner 3D compare plus de 30 000 caractéristiques pour vérifier l’identité de l’utilisateur avec précision. Face ID permet aussi de valider des achats avec Apple Pay.
De son côté, Facebook développe la technologie DeepFace. Celle-ci permet d’identifier automatiquement les visages de personnes sur des photos mises en ligne sur le réseau social avec une précision de 97%. Chaque fois qu’un utilisateur de Facebook est » taggé » sur une photo, les caractéristiques de son visage sont cartographiées par le système. Lorsque suffisamment de données sont collectées, le logiciel est capable d’identifier la personne automatiquement sur toutes les nouvelles photos.
En juin 2015, Google a lancé son système de reconnaissance faciale FaceNet. Grâce à un algorithme novateur et un réseau de neurones artificiel, ce système atteint une précision record de 99,63%. Il est incorporé à Google Photos pour taguer automatiquement les photos lorsqu’un visage est reconnu.
Citons aussi l’application FaceApp, qui a rencontré un grand succès durant l’été 2019 au point de devenir virale. Cette appli a beaucoup contribué à la démocratisation de la reconnaissance faciale, en permettant à l’utilisateur de visualiser à quoi il ressemblera lorsqu’il sera vieux…
De leur côté, Amazon, MasterCard ou Alibaba proposent désormais à leurs utilisateurs de confirmer le paiement de leurs achats en ligne via la reconnaissance faciale. On appelle cette nouvelle méthode d’authentification le » selfie pay « .
Dans un grand nombre d’aéroports, les panneaux publicitaires intelligents sont capables d’identifier le genre, l’ethnie et l’âge des passants afin de leur proposer des publicités ciblées. Cette innovation repose également sur la reconnaissance faciale.
Grâce aux géants de la technologie, la reconnaissance faciale est de plus en plus accessible aux développeurs d’applications. Par exemple, le service d’analyse d’image Amazon Rekognition permet d’ajouter facilement cette technologie à une application. C’est également le cas de l’API Google Cloud Vision. Ainsi, les développeurs peuvent laisser libre cours à leur créativité…
L’histoire de la reconnaissance faciale
C’est dans les années 1990 que la reconnaissance faciale a commencé à gagner en popularité, lorsque le DoD américain recherchait une technologie capable de détecter les clandestins. Des scientifiques éminents et des experts ont alors été contactés afin de développer cette innovation, et leurs recherches en la matière ont été financées.
Au début de l’année 2001, la reconnaissance faciale a marqué les esprits lors de sa première utilisation dans un espace public lors du Super Bowl XXXV de Tampa. Les autorités l’avaient alors utilisé pour détecter d’éventuels criminels et terroristes parmi les spectateurs. Des systèmes ont ensuite été déployés dans d’autres régions à risque des États-Unis pour surveiller les activités criminelles.
Avec le développement rapide du Big Data et de l’intelligence artificielle, la reconnaissance faciale s’est beaucoup développée au cours des années 2010. En conséquence, son adoption s’étend dans une large variété de secteurs pour des cas d’usage aussi divers que multiples.
Comment est utilisée la reconnaissance faciale dans le monde ?
On estime aujourd’hui que les systèmes de reconnaissance faciale déployés dans les aéroports américains et par d’autres processus ont permis de capturer et de stocker les données faciales de plus de la moitié des citoyens des États-Unis. Ces informations, stockées dans une base de données centralisée, peuvent être explorées librement par les autorités. Dans plus de la moitié des grandes villes, les policiers sont équipés de caméras corporelles permettant la reconnaissance faciale en temps réel.
En Europe, en dehors des commerces et des entreprises privées, la reconnaissance faciale est nettement moins utilisée que dans les autres pays développés. Pour cause, le RGPD en vigueur depuis mai 2018 protège les données biométriques des citoyens. Ce n’est pas le cas aux États-Unis, où aucune loi ne régit la collecte et l’usage de telles données à l’heure actuelle.
Le pire usage de la reconnaissance faciale est sans nul doute celui qu’en fait la Chine. La technologie y est utilisée à des fins de profilage racial et de surveillance de la population des musulmans Uighur, suscitant l’indignation de la communauté internationale.
La Chine utilise aussi la reconnaissance faciale pour identifier les piétons qui traversent en dehors des clous et leur infliger une amende, ou encore pour identifier les étudiants à l’entrée des établissements ou pour surveiller leurs expressions pendant les cours afin de vérifier s’ils sont attentifs.
Depuis la fin 2019, la reconnaissance faciale est aussi obligatoire pour les Chinois qui souhaitent commander une nouvelle carte SIM ou prendre le métro. Le véritable objectif du gouvernement chinois est de constituer une base de données regroupant les visages de tous les citoyens afin de pouvoir les identifier à tout moment via la vidéo-surveillance.
Des chercheurs chinois ont même créé une caméra 500 MP capable d’identifier tous les spectateurs d’un stade instantanément. À Hong-kong, le gouvernement interdit aux manifestants pro-démocratie de porter des masques pour les empêcher d’échapper à la reconnaissance faciale…
En Russie, à Moscou, les caméras de surveillance scannent les rues à l’aide de la reconnaissance faciale. Bientôt, les policiers seront équipés de lunettes dotées de caméras à reconnaissance faciale comme c’est également déjà le cas en Chine.
Au Royaume-Uni, la police Metropolitan et South Wales a déjà testé la reconnaissance faciale pour détecter des individus parmi les spectateurs de matchs football ou de rugby, dans les rues des grandes villes ou durant les festivals de musique et les commémorations. La reconnaissance faciale sera aussi massivement utilisée lors des Jeux olympiques de Tokyo 2020, toujours à des fins de surveillance et de sécurité.
Les avantages
La reconnaissance faciale présente plusieurs avantages. Tout d’abord, cette technologie permet d’accroître le niveau de sécurité dans la société lorsqu’elle est couplée avec la vidéosurveillance. Alors que les villes sont toujours plus denses et peuplées, cette innovation permet de maintenir un niveau de sécurité que les gardiens de la paix ne peuvent plus assurer seuls.
Elle permet aussi de simplifier le processus d’authentification sur les appareils électroniques tels que les smartphones, tout en augmentant le niveau de sécurité par rapport à d’autres méthodes comme les mots de passe ou les empreintes digitales. Il s’agit sans nul doute du principal bienfait tangible pour le consommateur lambda…
Les dangers
Malheureusement, la reconnaissance faciale soulève aussi de nombreuses craintes et inquiétudes concernant la sécurité et la confidentialité. Si par malheur un hacker accède aux données collectées par cette technologie, elles pourraient être exploitées à des fins malveillantes.
Les autorités et les entreprises privées pourraient aussi s’en servir pour pister les individus. Tout comme le sont déjà les données de géolocalisation ou les informations relatives à notre activité sur les réseaux sociaux, les données de reconnaissance faciale pourraient être utilisées pour établir un “ profil ” pour chacun d’entre nous. Il devient alors possible pour les gouvernements et les marketeurs de “ prédire ” notre comportement à des fins de prévention du crime ou de ciblage publicitaire…
Bien évidemment, il est légitime pour les citoyens de s’inquiéter de voir la reconnaissance faciale utilisée à des fins de vidéo-surveillance d’autant qu’elle est parfois utilisée à l’insu des citoyens, par exemple dans le quartier de King Cross à Londres. Dans un futur proche, vous ne pourrez peut-être plus vous déplacer dans les rues sans être identifié en permanence par des caméras. Cette technologie représente donc une menace en elle-même pour la confidentialité et la vie privée.
La reconnaissance faciale peut vous confondre avec un criminel
De plus, le problème est aggravé par le fait que la reconnaissance faciale manque encore de fiabilité. Même si les performances des systèmes ont été multipliées par 20 entre 2014 et 2018, et que le taux d’erreur est passé de 4% à 0,2%, le risque zéro n’existe pas.
Les images filmées par les caméras du monde réel peuvent être floues ou mal éclairées, les visages peuvent être couverts, et les individus peuvent avoir vieilli par rapport à la photo servant de référence dans les bases de données. De fait, une personne peut être confondue avec une autre. Il est donc possible que vous soyez accusé à tort du crime commis par quelqu’un d’autre…
La reconnaissance faciale est biaisée
Se pose aussi le problème des biais qui grangrènent les algorithmes. Les réseaux de neurones étant principalement entraînés sur des photos d’hommes blancs, ils se révèlent par la suite moins performants pour identifier les femmes ou les personnes de couleur. Une étude menée par des chercheurs du Colorado démontre aussi que les principaux systèmes sont incapables de catégoriser correctement les personnes trans ou non-binaires.
En 2018, lors d’un test mené par ses soins, l’ACLU a découvert que le logiciel Amazon Rekognition a confondu 28 membres du Congrès américain avec des criminels. Les concernés étaient principalement des personnes afro-américaines ou d’origine latine. Ce manque de précision à l’égard des minorités amplifie le risque que des innocents soient accusés à tort…
Un pouvoir immense entre les mains des GAFAM
Un autre problème est lié au fait que la reconnaissance faciale est développée par les géants de la tech tels que Google, Facebook, Apple, Microsoft et Amazon. Les gouvernements et les autorités n’ont d’autre choix que de se tourner vers les GAFAM pour profiter de cette innovation.
De fait, cette technologie ne fait que renforcer le pouvoir déjà exagérément élevé de ces entreprise privées colossales. En septembre 2019, Amazon a annoncé vouloir créer sa propre loi pour réguler l’usage de la reconnaissance faciale…
La surveillance par reconnaissance faciale coûte cher, très cher
En plus de soulever des problématiques liées à l’éthique, la reconnaissance faciale pose un autre problème de taille : son usage généralisé coûte extrêmement cher. Les caméras génèrent d’immenses volumes de vidéos, et les ressources nécessaires pour traiter et analyser ces vidéos sont astronomiques.
De plus, compte tenu du temps nécessaire pour passer en revue toutes ces vidéos et les analyser, un criminel aura largement le temps de s’enfuir après avoir été filmé par une caméra. Autant dire qu’à l’heure actuelle, la reconnaissance faciale est loin d’être une solution viable pour assurer la sécurité dans nos sociétés…
Faut-il bannir la reconnaissance faciale ?
En juillet 2019, la ville de San Francisco a décidé de bannir totalement l’usage de la reconnaissance faciale par le gouvernement et les autorités dans un souci de protection de la confidentialité de ses habitants. Il s’agit de la première ville américaine à prendre cette décision.
Elle a ensuite été suivie par les villes d’Oakland, Berkeley et Sommerville. Plusieurs candidats Démocrates aux élections présidentielles ont aussi élevé la voix contre cette technologie. C’est le cas de Bernie Sanders, qui appelle à bannir son usage par la police à l échelle fédérale.
Dans un article daté du 17 octobre 2019, le New York Times appelle à aller plus loin en interdisant la reconnaissance publique aussi bien dans le secteur public que pour les entreprises privées. Aux yeux des journalistes du prestigieux journal, il est important de bannir cette technologie avant d’en devenir dépendant au point d’accepter ses dangers comme des nécessités.
Tant que l’usage de la reconnaissance faciale ne sera pas correctement encadré et réglementé, il sera en effet impossible d’éviter les dérives et les abus. C’est la raison pour laquelle la seule solution semble être de bannir cette technologie purement et simplement.
Cependant, plusieurs industriels et législateurs doutent de la nécessité de bannir cette technologie. À leurs yeux, ses bienfaits sont plus nombreux et importants que ses méfaits. Ils estiment également que la méfiance vis-à-vis de la reconnaissance faciale est une réaction habituelle face aux nouvelles technologies, que l’on avait aussi pu observer lors de l’apparition des capteurs d’empreintes digitales. Le débat reste donc ouvert sur la nécessité de bannir ou non la reconnaissance faciale, et risque de donner lieu à de vives tensions entre ses partisans et ses détracteurs au fil des années à venir à mesure que son adoption se généralisera…
La reconnaissance faciale en France
En France, comme dans toute l’Europe, l’usage de la reconnaissance faciale est régulé par le RGPD comme toutes les technologies liées à la collecte de données. Cependant, elle est déjà utilisée par de nombreux commerces et entreprises privées à des fins de vidéosurveillance, ce qui inquiète beaucoup la CNIL. L’autorité de protection des données française avait aussi tiré la sonnette d’alarme lorsque la ville de Nice avait pris la décision de tester cette technologie pour assurer la sécurité lors de son carnaval annuel.
À partir du mois de novembre 2019, le gouvernement se tournera lui aussi vers la reconnaissance faciale avec le lancement de l’application mobile Alicem. Celle-ci permettra de se connecter aux différents services publics français en utilisant un selfie, plutôt que d’avoir à s’identifier à l’aide d’un mot de passe. Même si l’utilisation de cette application restera facultative, beaucoup craignent qu’il ne s’agisse que d’une première étape expérimentale avant un usage généralisé, voire imposé dans l’hexagone. L’association la Quadrature du Net estime notamment que cette application va à l’encontre du RPGD…
Source : https://www.lebigdata.fr