Canada - La biométrie vocale dans les banques
Après Tangerine l’année dernière, c’est au tour de Manuvie cette année d’intégrer la biométrie vocale à son système pour simplifier l’authentification de ses usagers par téléphone. L’entreprise ne s’arrête toutefois pas là et y ajoute la reconnaissance du langage naturel, qui devrait permettre aux clients de parler naturellement lorsqu’ils appellent le service à la clientèle, plutôt que de devoir se perdre dans une succession d’interminables menus.
Conjointement, ces deux technologies devraient permettre d’économiser environ 15 % du temps d’appel des usagers lorsqu’ils tentent de joindre un agent par téléphone, selon les estimations de Manuvie, qui a commencé à déployer son service pour certains clients à la fin juillet. Il s’agit de la première fois qu’une banque canadienne offre ces deux technologies à la fois.
« Dans le modèle traditionnel des centres d’appels, il y a plusieurs irritants. Celui de t’identifier, et toute l’arborescence des choix et des options pour arriver à parler à la bonne personne », explique Charles Guay, le PDG de Manuvie Québec. « Avec la technologie qu’on propose, on est capable d’éviter tous ces processus-là ».
Biométrie vocale
La fonctionnalité la plus intéressante des deux nouveautés est sans aucun doute la biométrie vocale, qui permet de reconnaître l’empreinte vocale de l’appelant. Il s’agit d’une empreinte unique, un peu comme une empreinte digitale.
Plus d’une centaine de caractéristiques de la voix sont identifiées au total par Nuance, la compagnie derrière la technologie. Certaines caractéristiques sont physiques, causées par la forme des organes de la voix (et donc impossibles à reproduire pour un imitateur) et d’autres sont comportementales.
Avec la biométrie vocale, au lieu d’entrer un mot de passe ou de répondre à des questions de sécurité (dont les réponses sont faciles à obtenir pour un fraudeur ayant déjà accès aux informations confidentielles de sa cible), il suffit de dire une phrase à haute voix, comme « Avec Manuvie, ma voix est mon mot de passe ».
Plusieurs mesures de sécurité ont aussi été implantées, afin par exemple de reconnaître si un enregistrement électronique est joué pour déjouer le système (comme on le voit dans tout bon film d’espion).
En théorie, le système devrait être plus sécuritaire que l’ancien. En pratique, par contre, les usagers ont le choix d’adopter la biométrie vocale ou non, et les anciens moyens pour se connecter au système sont encore existants, un peu comme si l’on construisait une porte pratiquement impénétrable juste à côté d’une vieille porte en bois.
Le procédé devrait tout de même être plus rapide et plus simple d’utilisation pour les usagers qui en profiteront.
Reconnaissance du langage naturel
L’autre nouveauté, la reconnaissance du langage naturel, est une technologie qui a notamment été popularisée au cours des dernières années par les assistants vocaux des téléphones intelligents, comme Siri d’Apple.
Il ne faut pas confondre langage naturel et reconnaissance vocale. « Le langage naturel utilise la reconnaissance vocale, mais il y a un niveau d’intelligence en plus. On essaie de comprendre l’intention derrière les mots », explique Brett Beranek, directeur de la stratégie pour la biométrie vocale chez Nuance.
Au lieu de suivre une longue arborescence en disant des choses comme « français, service à la clientèle, produits, particuliers et hypothèque », toujours en écoutant un long menu offrant plusieurs options à chaque étape, il suffit donc maintenant de dire quelque chose comme « je veux modifier mon hypothèque » pour se faire diriger vers le bon service.
Grâce à la biométrie vocale, l’agent qui reçoit l’appel peut ensuite commencer à aider le client, sans poser de questions confidentielles ou demander de mot de passe.
Dans une démonstration organisée mardi à Montréal, la reconnaissance n’a pas fonctionné du premier coup, et le processus complet n’était pas aussi court que ce à quoi on aurait pu s’attendre, mais il semblait décidément moins frustrant qu’avec un appel normal.
La qualité de l’expérience de l’utilisateur serait d’ailleurs le premier objectif derrière le déploiement des deux technologies, selon Charles Guay.
Parler en québécois
Détail intéressant, le système déployé par Nuance et Manuvie est optimisé pour le français québécois, et non pour le français international, qui est le plus souvent utilisé pour ce type de système.
Le système devrait aussi s’adapter avec le temps, puisque les commandes incomprises des utilisateurs sont ensuite utilisées pour améliorer la reconnaissance vocale elle-même.
Cette évolution devrait notamment permettre au système de mieux reconnaître les différents accents de la province, lorsqu’il aura été adopté par suffisamment de personnes. Ces améliorations pourraient d’ailleurs être apportées rapidement, surtout considérant que Manuvie reçoit 28 000 appels téléphoniques par jour au Canada, dont environ 10 à 15 % du Québec.
Avec le temps, Manuvie pourrait aussi, si l’entreprise le souhaite, utiliser les bases de données de biométrie vocale qu’elle aura bâties avec ses centres d’appels pour permettre à ses clients de s’identifier sur son site web ou ses applications mobiles.
Il serait facile de voir ces nouvelles technologies comme une nouvelle façon pour les pirates d’attaquer les banques. La réalité est plutôt que plus vite les mots de passe seront remplacés (par la biométrie vocale ou quoi que ce soit d’autre, et idéalement par au moins deux mécanismes différents), plus il sera difficile pour un pirate d’accéder à un compte à distance.
Cette transition ne se fera certainement pas du jour au lendemain, mais comme on peut le voir, la machine est déjà en marche.
Source : http://blogues.radio-canada.ca