Le marché florissant de la biométrie
Adieu papiers d’identité, clés, badges... Reconnaissance morphologique et intelligence artificielle tracent la route.
En 2013, Apple a démontré que la biométrie était possible sur un équipement grand public avec l’iPhone 5S, premier smartphone doté d’un lecteur d’empreintes digitales. Une idée reprise depuis par Samsung, HTC, Lenovo et bien d’autres. L’an passé, Fujitsu et Microsoft ont même pourvu leurs appareils d’un capteur d’iris ! « Le smartphone promet de faire exploser le secteur, affirme Didier Guillerm, consultant et fondateur du site Biometrie-online.net. Dans le futur, ces appareils authentifieront les individus auprès des services publics et valideront les transactions financières. » Associée à la reconnaissance d’empreintes digitales (utilisées depuis le XIXe siècle par la police), la biométrie désigne divers procédés capables de prouver de façon (quasi) sûre l’identité d’une personne. Les applications tiennent compte de la forme de la main ou du visage, de la voix, du réseau veineux de la paume ou du poignet, ou de l’iris.
Outil performant, la biométrie « simplifie les procédures et facilite la vie de l’usager en ne réclamant qu’un seul identifiant : son corps », s’enthousiasme Didier Guillerm. Fini les codes et les mots de passe, les badges et les clés. Dans le secteur privé, le marché croît de +20% par an. La biométrie intéresse ainsi toutes les sociétés soucieuses de renforcer les contrôles d’accès (une usine, un hôpital, une banque...) ou de faciliter et de sécuriser des transactions, d’autant que la Cnil en accepte l’installation depuis 2009 (sous certaines conditions). Les principaux clients des solutions biométriques restent néanmoins les États. Le français Safran Identity & Security (ex-Morpho), qui occupe la place de leader mondial, conçoit et commercialise des solutions biométriques depuis plus de quarante ans. Son client historique n’est autre que le FBI, acquéreur en 1974 du premier système automatisé d’identification biométrique. Dans l’Hexagone, Safran est à l’origine du dispositif Parafe (Passage automatisé rapide aux frontières extérieures) qui équipe les aéroports.
Contrer Daech
Autre poids lourd du secteur depuis trois décennies, Thales travaille sur 25 projets centrés sur le stockage d’empreintes digitales pour différents États, afin de centraliser les données de leurs ressortissants. Et depuis la crise migratoire, se prépare à de nouvelles commandes. « Les migrants ne sont pas forcément détenteurs de papiers d’identité : cela peut favoriser l’adoption de solutions biométriques », expliquait récemment Nicolas Phan, responsable marketing stratégique de la division Security Solutions and Services Division de Thales au site Infoprotection.fr. « Les gouvernements semblent prêts à investir pour identifier les passages à la frontière ou pour des demandes de renouvellement de papiers d’identité. Il faut savoir que la fraude, dans ce domaine, est de plus en plus forte. Daech dispose d’authentiques documents vierges. Une fois remplis, ceux-ci sont difficilement détectables par un douanier. »
La reconnaissance faciale 3D
« L’efficacité d’une solution biométrique dépend du contexte, il n’existe pas de dispositif idéal », nuance Didier Guillerm. A ce jour, les experts ne s’accordent d’ailleurs pas sur l’application la plus sûre. Certains prônent l’authentification à la volée et sans contact par l’iris : hygiénique, elle séduit les aéroports face au risque de propagation de virus. D’autres tablent sur le réseau veineux de la paume, car « la surface analysée garantit un haut niveau de sécurité », selon Alain Choukroun, directeur général de Zalix Biométrie. Certaines compagnies comme Safran ont tranché en proposant des solutions multimodes. Ainsi, Parafe 2 « pourra, dès que la réglementation le permettra, être enrichi par de la reconnaissance faciale », précise le communiqué. Le consensus règne en revanche sur une technologie à l’étude : la reconnaissance faciale 3D intelligente qui repose sur la mémorisation de formes par une intelligence artificielle au lieu de points caractéristiques de la géométrie du visage. L’identification n’exige plus d’être face à l’objectif, fonctionne à partir d’images en basse résolution et rendrait toute falsification impossible. Là encore, l’un des pionniers est une société française, Spikenet Technology.
La biométrie en chiffres
- 1974 : Mise en service du premier système automatisé d’identification biométrique. Conçu par le français Safran (ex-Morpho), il a été commandé par le FBI.
- 24,8 milliards de dollars, c’est le poids global estimé du marché mondial de la biométrie en 2021 (contre 12 milliards de dollars en 2015).
- + 20 % : Augmentation des demandes de solutions biométriques par les entreprises privées, afin de contrôler les accès à leurs locaux ou de sécuriser des transactions.
- 12,5 millions d’euros, c’est le coût du système de contrôle automatisé Parafe inauguré fin 2009 à l’aéroport de Roissy et conçu par Safran (ex-Morpho).
- 1 500 euros la porte d’accès simple avec un lecteur biométrique (empreinte digitale ou palmaire) et un système de verrouillage automatisé.
- 1,9 milliard d’euros : chiffre d’affaires (2015) de Safran Identity & Security, leader mondial de la biométrie (qui est en vente depuis juin dernier...).
Source : Capital - Benjamin Janssens