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Le Parlement refuse de restreindre l’usage de la biométrie en France

Contrairement à ce qu’avait souhaité le Sénat (contre l’avis du gouvernement), l’usage des dispositifs biométriques ne sera pas durci. La commission mixte paritaire chargée de trouver un compromis sur le projet de loi Numérique a préféré retirer les dispositions introduites à cet effet par la Haute assemblée.

Le sénateur Gaëtan Gorce (PS) en peste encore : « En renonçant à cette disposition, le Parlement autorise de facto l'usage de la biométrie pour réguler l'accès à une cantine scolaire, une piscine municipale ou un atelier. Cette dérive est lourde de menaces dans la mesure où elle conduit à admettre qu'un élément tiré du corps humain (les empreintes digitales, l'iris de l'œil, etc.) puisse servir d'instrument de contrôle. »

L’élu a effectivement de quoi être déçu... Le 29 avril dernier, lors des débats sur le projet de loi Numérique, il avait réussi à « recycler » une de ses propositions de loi – votée par le Sénat en mai 2014 mais toujours en attente d’un créneau à l’Assemblée nationale – en la réintroduisant sous forme d’amendement.

Aujourd’hui, la mise en place d’un dispositif utilisant des données biométriques est soumise à l’obtention d’une autorisation de la CNIL, selon des formalités variables en fonction des données exploitées (empreintes digitales, contour de la main, iris...) et de la finalité du traitement (contrôle d’accès à certaines salles, etc.). Le texte du sénateur Gorce, soutenu par le groupe socialiste, prévoyait que le feu vert de la gardienne des données personnelles ne puisse dorénavant être donné que dans les cas de « stricte nécessité de sécurité » – ce que la loi aurait défini comme étant des situations relevant de « la protection de l’intégrité physique des personnes, la protection des biens ou la protection d’informations dont la divulgation, le détournement ou la destruction porterait un préjudice grave et irréversible et qui répondent à une nécessité excédant l’intérêt propre de l’organisme les mettant en œuvre ».

Un délai de transition de trois ans était prévu afin que les acteurs utilisant aujourd’hui des dispositifs biométriques puissent se conformer à ces nouvelles dispositions (et dans certains cas, on imagine, les abandonner).

Le gouvernement a les yeux tournés vers le règlement européen

La commission mixte paritaire chargée de trouver un compromis entre le texte voté par le Sénat et celui adopté quelques mois plus tôt par l’Assemblée nationale a toutefois jugé bon de retirer ce nouvel article, sur « proposition conjointe des rapporteurs » Luc Belot (PS) et Christophe-André Frassa (LR) – ainsi que du député de l’opposition Lionel Tardy.

Si le compte rendu de la « CMP » laisse entendre que ce point n’a donné lieu à aucun débat particulier, il faut rappeler que le gouvernement était opposé à cette réforme. Devant le Sénat, Axelle Lemaire avait ainsi émis un avis défavorable, au motif que le nouveau périmètre d’autorisation des dispositifs biométriques était à ses yeux « beaucoup trop limité », au risque de brider au passage l’innovation. « Je ne nie pas que le recours à des techniques biométriques suscite des interrogations parfois d’ordre éthique qu’il faut continuer à se poser au fur et à mesure qu’évoluent les technologies. Mais il ne s’agit pas de graver les choses une bonne fois pour toutes dans le marbre de la loi » avait-elle – vainement – lancé aux sénateurs.

La secrétaire d’État au Numérique avait surtout invité les parlementaires à ne pas légiférer sur ce sujet, l’article 9 du règlement européen sur les données personnelles (qui n’entrera cependant en vigueur sur le Vieux continent qu’en mai 2018) venant selon elle fixer une « règle claire, unifiée, qui permettra en plus de développer des technologies applicables de manière uniforme à l’échelle de l’Union européenne, donc des vingt-huit pays, et non pas uniquement la France ». Le traitement des données biométriques y est effectivement interdit par principe, hormis dans dix situations : lorsque la personne a donné son consentement « pour une ou plusieurs finalités spécifiques », si le traitement est nécessaire à la sauvegarde des intérêts vitaux d’une personne physique, etc.

Dans un billet de blog publié la semaine dernière, Gaëtan Gorce n’en démord pas. Il prédit une « banalisation du recours à la biométrie », qui « induira aussi l'acceptation de nouveaux comportements jusqu'alors exigés par les seuls services de police. C'est à une domestication de l'individu par la technologie que nous sommes malheureusement en train d'assister. »

 

Source : http://www.nextinpact.com