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Reconnaissance faciale - Echec de la police de Londres

Il y a 4,2 million de cameras de surveillance au Royaume-Uni, soit une caméra pour 14 personnes. Une seule personne peut-être filmée par 300 caméras chaque jour à Londres. (AP Photo/Akira Suemori)La police métropolitaine de Londres a testé récemment un système de reconnaissance faciale pour repérer des suspects dans un complexe commercial. Les erreurs massives du système analysées par des chercheurs britanniques impliqués dans les 6 essais, relancent la polémique sur le bien-fondé de ces technologies dans des pays démocratiques.

Il y a 4,2 million de cameras de surveillance au Royaume-Uni, soit une caméra pour 14 personnes. Une seule personne peut-être filmée par 300 caméras chaque jour à Londres. (AP Photo/Akira Suemori)

La police métropolitaine de Londres a testé récemment un système de reconnaissance faciale pour repérer des suspects dans un complexe commercial. Les erreurs massives du système analysées par des chercheurs britanniques impliqués dans les 6 essais, relancent la polémique sur le bien-fondé de ces technologies dans des pays démocratiques.

81% de "faux positifs" (identification erronée de personnes) : c'est le résultat des 6 derniers tests de reconnaissance faciale effectués par la police métropolitaine de Londres (Met) dans le centre commercial Westfield du quartier de Stratford. Les chercheurs de l’Université de l’Essex ayant suivi ces tests sont unanimes : les problèmes rencontrés avec les "caméras intelligentes" de détection de suspects ont été tellement importants qu'ils estiment que la technologie devrait être suspendue. La polémique à propos du système "NeoFace" — capable de scanner 300 visages à la seconde dans l'espace public pour déterminer lesquels sont ceux de criminels recherchés — enfle à nouveau au Royaume-Uni. Aucune loi n'encadre cette technologie, et l'inquiétude grandit quant à la garantie des libertés individuelles offertes par ces systèmes de caméras intelligentes. Plus particulièrement celle du droit à l'anonymat.

19% de suspects réels et une liste caduque

Le système NeoFace de la société Nec, mis en place par la police de Londres au centre commercial Westfield a repéré 42 personnes dont les visages étaient censés correspondre à ceux de criminels ou de délinquants sous surveillance. 26 personnes suspectées par le système ont donc été arrêtées, mais dans seulement 8 cas, les auteurs du rapport ont estimé avoir une certitude absolue que la correspondance était exacte. Ce très mauvais taux — de 19% — de correspondance entre les visages de la base de suspects et ceux des personnes scannées a été de plus mis à mal par une mauvaise gestion de la liste de personnes suspectes, qui comportait des erreurs. Des personnes repérées comme suspectes ont donc été arrêtées alors que leur affaire était classée…

Le représentant des officiers de la police de Londres, Ken Marsh, est intervenu vendredi dernier à la BBC Radio Essex suite à la diffusion d'un reportage sur les résultats de ces 6 tests. Pour lui, "la reconnaissance faciale peut constituer un outil extrêmement précieux pour lutter contre le crime", et quand il aborde le taux d'erreur très élevé, relevé par les chercheurs, le représentant de la police estime que "c'est absurde", que "le rapport des chercheurs n'est pas équilibré", et qu'il "aimerait savoir d'où vient ce chiffre dont il n'a entendu parler par personne d'autre". Mais Ken Marsh a tout de même ajouté : "si le taux d'échec est réellement de 80 ou 81%, il ne serait pas adapté à mon objectif ".

Que dit la loi ?

Au-delà des résultats très mauvais du système de reconnaissance faciale de suspects mis en œuvre par la police de Londres, la question de l'encadrement juridique de cette technologie n'est toujours pas réglée. Les chercheurs de l’Université de l’Essex estiment "qu'aucune autorisation légale explicite pour la reconnaissance faciale en direct n'est présente dans le droit britannique". Ils soulignent aussi "que toute ingérence dans les droits d’une personne devrait être justifiée par une 'nécessité' au sein d’une société démocratique, et que la police de Londres n'a pas prouvé que son usage de la reconnaissance faciale constituait une nécessité dans ce contexte." Au final, il apparaît qu'aucune loi nationale n'encadre cette nouvelle "pratique" : les services de police britanniques improvisent donc leurs tests de reconnaissance faciale sans cadre juridique.

Etonnamment, lors de son entretien radiophonique, le représentant de la police de Londres a tenu à parler du système de surveillance chinois, estimant que
"bien que la Chine soit un pays très intrusif et que je ne partage pas grand-chose de ce qu’ils font, ils ont tout à fait raison. Ils reconnaissent les individus dans la seconde et à mon sens ils ont tout à fait raison." Ken Marsh espère que "le système de la Met soit bientôt aussi efficace que celui du gouvernement chinois"…

Que veut l'Europe en matière de reconnaissance faciale ?

Les dernières péripéties de la police de Londres en matière de reconnaissance faciale dans l'espace public, font écho au test grandeur nature du maire de Nice, Eric Ciotti, en février dernier, lors du festival. Mais ce dispositif, ponctuel, restait dans le cadre du Règlement sur la protection de données (RGPD) : les personnes devaient donner leur consentement avant d'être scannées par le système de "caméras intelligentes".

Pour Arnaud Dimeglio, avocat spécialiste en droit des nouvelles technologies, il y a encore beaucoup à faire sur le sujet : "Il n'y a pas de loi européenne spécifique sur la reconnaissance faciale, mais il y a des cadres juridiques à respecter. Le RGPD s'applique pour cette technologie, il faut donc le consentement des personnes pour pouvoir l'utiliser. Le RGPD précise que 'sont interdits les traitements de données biométriques aux fins d’identifier une personne physique de manière unique'. La reconnaissance faciale n'est donc pas possible dans l'espace public. Ce qui veut dire que la police de Londres, avec cet essai dans un centre commercial, est hors-la-loi." En France, une loi été proposée par le sénateur Roger Karoutchi en novembre 2018, "relative à la reconnaissance faciale dans les enquêtes terroristes". Ce projet avait pour objectif de permettre le couplage du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) avec celui des "fichés S", en reliant le tout à un système de vidéosurveillance : il a été rejeté.

Plusieurs pays de l'Union européenne semblent preneurs de solutions basées sur la reconnaissance faciale mais sauter le pas législatif pour l'autoriser de façon généralisée dans l'espace public reste encore difficile pour les parlementaires. Maître Dimeglio explique à ce sujet que "pour rester en accord avec le droit des personnes de circuler anonynement, les systèmes de reconnaissance faciale dans les espaces publics devront être encadrés par des décrets d'Etat et ne pourront être activés — à mon sens — que de façon ponctuelle, dans le cas de la recherche de terroristes, par exemple." Des test de détection automatique de suspects par reconnaissance faciale ont été malgré tout effectués dans une gare en Allemagne, et Gérard Collomb, le ministre de l'Intérieur français, affirmait il y a un an "qu'en matière d’exploitation des images et d’identification des personnes, on a encore une grande marge de progression. L’intelligence artificielle doit permettre, par exemple, de repérer dans la foule des individus au comportement bizarre."

Une chose reste certaine : la reconnaissance faciale n'a pas fini de faire parler d'elle.

Aux Etats Unis, la ville de San-Franciso interdit la reconnaissance faciale pour les forces de police :

Source : https://information.tv5monde.com